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TAEG des crédits hypothécaires, la France en infraction

18/04/2017- Actualités juridiques

La transposition de la directive 2014/17 sur le crédit hypothécaire ne paraissait pas soulever beaucoup de difficultés, d’autant que plusieurs mesures de protection des emprunteurs prévues par ce texte existaient déjà en droit français.
Il fallait évidemment prêter attention au fait que la directive imposait une harmonisation totale sur deux points : la fiche d’information standardisée européenne (FISE) et le TAEG. La directive impose en effet une norme commune pour le calcul et la composition du taux annuel effectif global, standardisé à l’échelle européenne aux fins de comparabilité.

Définition européenne du TAEG, lien avec le coût total du crédit

Le TAEG étant défini en droit communautaire comme « le coût total du crédit pour le consommateur, exprimé en pourcentage annuel du montant total du crédit », il existe une corrélation directe entre le « coût total du crédit » et le TAEG, ces deux notions exprimant le même coût, l’une sous forme de montant et l’autre sous forme de pourcentage. Ainsi, les frais entrant dans le coût total sont nécessairement ceux retenus pour le calcul du TAEG.

Transposition initialement fidèle par la France

Les ordonnances des 14 et 25 mars 2016 transposant la directive avaient repris fidèlement, si ce n’est mot à mot, la définition communautaire du « coût total du crédit pour le consommateur », excluant expressément les frais d’acte notarié. Le décret du 29 juin 2016 avait précisé en tant que de besoin que les frais d’acte notarié exclus devaient s’entendre des émoluments prévus par le tarif des notaires, de sorte que l’article L. 311-1, 7°, du code de la consommation tel que précisé par l’article R. 314-5 du même code, avait pour effet d’exclure de la base de calcul du TAEG, dans le cas des prêts garantis par une hypothèque, les honoraires d’établissement de l’acte d’affectation hypothécaire.

Loi du 21 février 2017 et incidence sur les frais d’acte notarié

Or le Parlement a subrepticement modifié cette définition par une loi du 21 février 2017 (n° 2017-203) laquelle, par le biais d’une très légère modification du texte de l’article L. 311-1, 7°, du code de la consommation, vient modifier radicalement le mode de calcul du TAEG pour les prêts hypothécaires ; de la nouvelle rédaction, il résulte que si les honoraires d’établissement du contrat principal (notamment l’acte d’achat de l’immeuble financé) sont exclus du coût total et du TAEG, tel n’est plus le cas des honoraires liés à la constitution de l’hypothèque.

TAEG « français » et TAEG « européen »

Cette modification a pour effet de créer une définition du coût total et du TAEG propre à la France, par là même, d’empêcher toute comparaison entre un TAEG « français » et un TAEG « européen » et de ruiner l’harmonisation recherchée.

Le droit français n’est plus conforme au droit communautaire et la France manque à son devoir de transposition fidèle de la directive sur le crédit immobilier.

La France en infraction avec le droit communautaire

Le plus surprenant est que les débats parlementaires justifient ce changement par une prétendue nécessité de clarification et même d’adaptation au droit communautaire !
Les curieuses dispositions transitoires, évoquant un délai de trois mois pour que les prêteurs puissent se « mettre en conformité » (sic) attestent de l’aveuglement du législateur français. Ni le gouvernement, ni les assemblées ne paraissent avoir jamais pris conscience du fait que la modification de l’article L. 311-1 c. cons. n’était pas une simple retouche interprétative mais qu’elle bouleversait le mode de calcul du TAEG et plaçait la France en infraction avec le droit communautaire.

Traitement successif des honoraires de notaire

Jusqu’au 1er octobre 2016, les honoraires de notaires étaient inclus dans le coût total et le taux effectif global, sous réserve d’être connus du prêteur. Les établissements de crédit avaient dû modifier leur informatique pour les en exclure et la loi du 21 février 2017 leur impose de modifier à nouveau leurs systèmes d’information d’ici le 22 mai 2017 pour revenir à la situation antérieure au 1er octobre 2016.

Ce cafouillage est aggravé par le manque de visibilité du dernier revirement, très discrètement inséré dans la loi de ratification des ordonnances de mars 2016 et présenté comme une simple rectification « à droit constant des erreurs de recodification » !

Entrave au marché unique

Sur le fond, il est certes peu justifiable que les honoraires de notaire ne soient pas pris en compte pour le calcul du TAEG d’un prêt hypothécaire (à la différence des taxes et droits à payer au Service de la Publicité foncière, que le notaire se borne à collecter et reverser), puisque le TAEG est censé intégrer tous les frais que le consommateur est tenu de payer pour le crédit ; cette exclusion des frais de notaire, déjà prévue par la directive 2008/48 sur le crédit à la consommation, a été reprise par souci d’harmonisation des concepts lorsqu’a été adoptée la directive sur le crédit immobilier. Mais il fallait alors œuvrer à réviser la directive de 2014 plutôt que de s’en écarter sur un point où, précisément, toute divergence est prohibée et constitue une entrave à la libre circulation des crédits immobiliers.

On observera à cet égard que le particularisme français issu de la loi du 21 février 2017 est de nature à handicaper les établissements français dans la concurrence puisqu’il leur impose d’afficher un TAEG plus élevé que leurs concurrents sur le marché européen. Ainsi, une banque allemande ou belge appliquant ses dispositions nationales transposant la définition communautaire du TAEG (ordonnance allemande sur l’affichage des prix, respectivement arrêté royal du 14 septembre 2016) calculera le TAEG mentionné dans la FISE et dans le contrat de crédit immobilier sans tenir compte des honoraires du notaire pour la constitution de la sûreté immobilière, l’exclusion de ces frais de notaires ne faisant aucun doute ni en Allemagne, ni en Belgique.

Quant aux établissements communautaires dirigeant leur activité vers la France, ils ont le dilemme d’opter pour le droit communautaire ou pour le droit français lequel, pour être déviant, n’en reste pas moins impératif et assorti de sanctions redoutables.

La question des sanctions encourues par la France pour mauvaise transposition de la directive 2014/17 et des moyens de droit susceptibles d’être invoqués par les emprunteurs et les prêteurs affectés par cette situation ne sera pas examinée dans le cadre de ce billet d’humeur.

Il sera simplement formé le vœu qu’à l’avenir, le législateur français fasse du droit !

Publié par : Marie-Paule WAGNER – Avocat Strasbourg